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Le directeur général de l’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation des établissements de santé (Anaes) parle des bienfaits de l’évaluation des hôpitaux, des critères pris en compte et des insuffisances constatées dans ces établissements de soins
L’Essor : L’Anaes a proclamé les résultats de la 4è édition de l’évaluation des hôpitaux au titre de 2021. Quelle analyse en faites-vous ?
Sékouli Fadjadji Touré : Je tiens à rappeler que l’évaluation de la performance des hôpitaux est une nécessité parce qu’elle permet réellement d’apprécier le niveau des indicateurs. Mais aussi le degré d’implication des usagers pour l’amélioration continue de la qualité des soins. Notre évaluation est basée sur l’année N moins 1 pour avoir plus de crédibilité et d’efficience. Il y a un cycle par rapport à l’évaluation qui s’appelle le cycle triennal.
Les indicateurs sont élaborés sur trois ans. Nous faisons cette évaluation N moins 1 parce qu’il existe des indicateurs dont les résultats doivent être regardés sur toute l’année. Le résultat de cette évaluation a permis de mettre le doigt sur les problèmes réels rencontrés par les établissements hospitaliers évalués, de mesurer la satisfaction des usagers et d’apporter des correctifs pour améliorer la qualité des prestations au grand bonheur de la population.
L’Essor : Quels sont les critères d’évaluation des hôpitaux ?
Sékouli Fadjadji Touré : Ce sont des critères objectifs qui ont été validés de commun accord non seulement avec les hôpitaux, mais également avec le ministère de la Santé et du Développement social. Nous organisons d’abord un atelier sur tous les indicateurs. C’est un processus participatif au cours duquel, les gestionnaires des hôpitaux ont été associés à tous les niveaux. C’est pour cela que les résultats ne sont pas contestables. Ils reflètent très sincèrement les données des hôpitaux.
En plus, les agents évaluateurs sont des praticiens, notamment des médecins, des administrateurs, des spécialistes en gestion hospitalière, en économie de la santé. Nous avions 17 indicateurs pour le cycle qui vient de se terminer. Parmi lesquels, 13 indicateurs généraux qui s’appliquent aux hôpitaux de deuxième et troisième référence à vocation générale et spécialisée. Les indicateurs ont porté notamment sur le taux de satisfaction des usagers, de conformité de la gestion des déchets hospitaliers, celle du dispositif de prise en charge des urgences.
Mais aussi le taux moyen de disponibilité de 10 examens biomédicaux, de dossiers retrouvables à partir du bureau des entrées par numéro unique, le taux de conformité des dossiers médicaux, celui moyen de fonctionnalité des organes d’administration et de gestion. Il y a également 4 indicateurs spécifiques.
Treize hôpitaux publics et l’Hôpital mère-enfant ou Le Luxembourg ont été soumis à cette évaluation. Nous allons voir au fur et à mesure comment intégrer les hôpitaux privés tels que l’Hôpital mère-enfant de Kayes. Nous allons faire les évaluations sur la base de 23 indicateurs dans les années à venir.
L’Essor : Les recommandations de l’évaluation de la performance des hôpitaux sont-elles appliquées ?
Sékouli Fadjadji Touré : Bien sûr que ces recommandations sont en cours d’exécution. Au cours des évaluations, des insuffisances sont constatées et des recommandations sont faites. L’évaluation de la performance des hôpitaux au titre de 2021 a permis de faire le point de la mise en œuvre des dispositifs de performance des hôpitaux. Mais aussi de constater la mise en place et la fonctionnalité du comité hospitalier de suivi et d’animation dans les 14 établissements comme en témoigne la réalisation de l’auto-évaluation.
Ce comité est chargé de la mise en œuvre des recommandations sous le contrôle du cabinet du ministère de la Santé et du Développement social. En dépit de toutes les insuffisances, depuis qu’on a commencé ce processus, les hôpitaux évalués enregistrent une évolution significative.
Au départ, beaucoup de données d’évaluation qui étaient très basses ont évolué significativement. Le niveau des indicateurs est en progression dans plusieurs établissements hospitaliers par rapport à 2020. Cependant, les décès néonatals et infantiles restent une préoccupation dans la quasi-totalité des hôpitaux évalués.
L’Essor : Êtes-vous convaincu de l’engagement des autres hôpitaux étant donné que le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Kati Bocar Sidy Sall et l’hôpital de Sikasso continuent à s’imposer en tête de liste ?
Sékouli Fadjadji Touré : Bien sûr ! Il y a un engagement des autres structures parce que l’évaluation même est une obligation ? C’est une composante essentielle d’une politique publique. Les uns et les autres voudraient être primés. Au-delà de cela, c’est une émulation. La preuve est que le Centre national d’odonto-stomatologie Pr Hamady Traoré a bousculé l’Hôpital du Mali pour occuper la troisième place.
Ces résultats montrent que les trois structures lauréates fournissent beaucoup d’efforts. Les autres sont dans la même démarche, mais ils ont encore des insuffisances à combler. Il y a, aujourd’hui, un fort engouement pour cette évaluation. Les hôpitaux ont compris la nécessité de s’inscrire dans la quête permanente des soins de qualité. Nous félicitons donc la direction du CHU Pr Bocar Sidy Sall qui a pu conserver sa place de leader. C’est très significatif.
L’Essor : Quelles sont les insuffisances constatées durant les évaluations de la 4è édition ?
Sékouli Fadjadji Touré : Celles-ci sont relatives au dispositif de prise en charge des urgences, à la gestion des déchets hospitaliers et au taux élevé de mortalité néonatale et infantile intra-hospitalière dans nos structures qui enregistrent un grand nombre d’accouchements. Si on respecte la pyramide sanitaire, les parturientes ne doivent pas se retrouver au niveau de ces hôpitaux. Le ministère en charge de la Santé est en train de prendre des dispositions pour que le système d’évacuation-référence soit respecté par les usagers.
L’Essor : Quel message avez-vous à transmettre ?
Sékouli Fadjadji Touré : Notre objectif est de faire en sorte que l’ensemble des structures hospitalières, y compris privées, atteignent un score de 100%. Cette année, l’Anaes va évaluer les contrats de performance signés entre les directeurs des hôpitaux et la tutelle. J’invite la population à faire non seulement confiance à nos structures hospitalières, mais aussi des suggestions pour contribuer à la promotion de nos établissements hospitaliers.
Aujourd’hui, des efforts sont consentis par l’ensemble du personnel de ces structures de soins pour plus de qualité en dépit des difficultés. Celles-ci sont inhérentes à toute activité. Je remercie très sincèrement l’Essor et tous les partenaires qui nous accompagnent dans ce processus d’évaluation.
Propos recueillis par Mohamed DIAWARA
Pour le journal « L’Essor »